Les procès
Les derniers procès dans la presse
Depuis 1994, plus de 350 décisions de justice ont été rendues au bénéfice des victimes accompagnées par le Comité contre l’esclavage moderne, soit plus d’une par mois en moyenne. Ce sont ces actions en justice qui ont permis, au fil des années, de faire connaitre la réalité des pratiques esclavagistes en France.
Défendues par des avocats bénévoles le jour de l’audience, les victimes sont accompagnées par le Pôle juridique tout au long de la procédure : dès le dépôt de plainte, dans les services de police ou de gendarmerie, face au juge d’instruction et au cours des procès (au pénal, au civil, aux Prud’hommes, ou devant les juridictions administratives), elles ne sont jamais seules.
Un avocat bénévole est désigné pour chaque dossier et travaille en étroite collaboration avec les juristes de l’association, mais aussi les victimes qui sont souvent contraintes à collecter elles-mêmes les preuves et témoignages nécessaires à leur procédure. Pour celles et ceux qui le souhaitent, ces procès sont essentiels pour permettre de se reconstruire et de tourner la page. Mais les procédures sont souvent longues et difficiles. Et les centaines de procédures lancées n’aboutissent pas toujours, hélas, à des décisions de justice.
356 procès ont été accompagnés par le CCEM depuis 1994, soit en nombre de décisions de justice rendues au 31 décembre 2018:
– 173 procès pénaux correctionnels (Tribunal de Grande Instance et Cour d’Appel),
– 5 procès aux Assises.
– 16 procès devant les juridictions suprêmes (13 en Cour de cassation, 2 devant le Conseil d’Etat, 1 devant le Conseil Constitutionnel).
– 2 procès devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
– 98 procès aux Prud’hommes et appel en Chambre sociale.
– 23 procès devant les autres juridictions civiles (CIVI, famille, protection et juges de l’exécution).
– 36 procès devant les juridictions administratives (Tribunal Administratif et Cour d’Appel administrative).
Ainsi que 16 procédures en cours devant les chambres de l’Instruction.
Bien souvent il est très difficile pour la victime d’apporter la preuve des sévices qu’elle a subis, les faits se déroulant généralement à l’abri des regards, dans le huis clos des domiciles, des exploitations agricoles isolées, des chantiers ou encore des cuisines de restaurants… Un nombre non négligeable de dossiers sont ainsi classés sans suite. Dans d’autres cas, l’employeur est uniquement poursuivi pour emploi d’un étranger en situation de séjour irrégulier ou pour travail dissimulé. Trop souvent, les peines prononcées restent peu élevées.
Retracez les grands procès
26/07/2005, première condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme : Siliadin contre France
Lors de ce procès historique (sur la base de la requête no 73316/01), la CEDH a estimé que la requérante a été tenue en état de servitude, au sens de l’Article 4 de la Convention européenne des sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (1953).
La CEDH a estimé que l’article 4 de la Convention consacrait l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe et à ce titre a mis à la charge des États parties des obligations positives qu’en l’espèce la France n’a pas respectées.
La France fut ainsi condamnée par la Cour au motif que la législation pénale en vigueur à l’époque des faits n’a pas assuré à la requérante une protection concrète et effective contre les actes dont elle a été victime. Dans ce cas précis, les “employeurs” de Mme Siliadin avaient été relaxés en 2003 par la Cour d’appel de Versailles statuant sur renvoi après cassation considérant que les conditions de travail de la jeune mineure n’était pas en contradiction avec la dignité humaine.
Cette décision a été le premier acte de l’interprétation de l’article 4 par la Cour européenne des droits de l’Homme qui année après année affine sa jurisprudence protectrice.
(Photo Henriette Siliadin, pour Le Républicain Lorain)
16/12/2010, première condamnation pour “traite des êtres humains”
Au Tribunal de Grande Instance de Lyon, le 16 décembre 2010, pour la première fois, un couple de Français accusé d’esclavage domestique a été reconnu coupable de “traite des êtres humains” et condamné à un an de prison avec sursis et à verser 42000 € à F., une femme d’origine sénégalaise qu’ils ont employée pendant trente ans, au Sénégal, en Espagne et en France, quasiment sans rémunération. F., qui ne possédait ni papier ni couverture sociale, ne touchait que 120 euros mensuels pour 16 heures de travail quotidien, sans vacances ni repos. Employée pour faire le ménage, le repassage, ainsi que le jardin elle s’occupait également de la grand-mère de la famille. F. était défendue par Me Saint Avit.
Ce procès souligne bien l’ambiguïté de la justice. Pour la première fois la législation de 2003 et 2007 contre la traite des êtres humains est retenue dans un cas d’esclavage domestique, mais elle est assortie d’une peine bien dérisoire au regard de la qualification.
(photo de M. Dorigny pour CCEM, Esclaves Encore)
23/05/2012, condamnation à un an de prison avec sursis et 1500 € de dommages et intérêts.
Le tribunal de Grande Instance de Montargis ( Loiret ) avait condamné le 23 mai 2012 Mme Ebogo à un an de prison avec sursis et 1500 € de dommages et intérêts. Lors du procès, le procureur avait requis une peine de trois ans de prison dont 18 mois avec sursis. Il avait demandé aux magistrats une extrême fermeté face à cette atteinte à la dignité humaine. Il n’a pas été suivi par le tribunal. Il vient donc de faire appel.
Arlette avait rencontré Mme Ebogo en 2005 qui lui avait proposé un travail d’aide à domicile pour 500 € par mois et une promesse d’aide à la régularisation de sa situation administrative.
Arlette a déposé plainte en août 2007. Une ordonnance de non lieu a été rendue en août 2008. Arlette et son avocat, Me Benoit David ont fait appel de cette ordonnance. La Chambre de l’Instruction de Cour d’Appel d’Orléans a renvoyé l’affaire devant le TGI de Montargis où l’audience s’est tenue le 29 mars 2012.
17/06/2015, condamnation à deux ans de prison ferme et un an avec sursis.
Le Tribunal de Grande Instance d’Aurillac (Cantal) avait condamné condamné à deux ans de prison ferme et un an avec sursis le 29 janvier 2015 l’exploitant forestier franco marocain qui avait fait venir du Maroc deux jeunes gens, âgés de 21 et 22 ans en juin 2014 pour arracher la gentiane. Passeports confisqués, ces derniers ont été exploités sans rémunération, sans congé ni repos, vivant et travaillant dans des conditions contraires à la dignité, et soumis à des violences et des menaces. La Cour d’Appel de Riom (Puy de Dôme) a confirmé ce jugement le 17 juin 2015.
L’homme qui les a fait venir devait répondre devant le tribunal des faits de traite des êtres humains, d’enlèvement-séquestration et d’extorsion avec violence.
Les deux victimes ont été défendues par Me Pierre Méral, avocat au Barreau d’Aurillac.
Le CCEM, partie civile, a obtenu l’euro symbolique de dommages et intérêts.
34/09/2020 : Indemnisation du préjudice économique pour Mme B., victime d’exploitation par le travail à l’âge de 12 ans et durant 7 années.
Après plus de 19 ans de procédure, suite au renvoi de la Cour de Cassation de son arrêt du 3 avril 2019, la Cour d’Appel de Paris a pris une décision le 24 septembre 2020 concernant le dossier de Mme B., exploitée par le travail dès l’âge de 12 ans jusqu’à sa sortie d’exploitation en 2001, accompagnée par le CCEM depuis. Après plusieurs années de procédure, il a été décidé que la victime avait le droit à une réparation pour le préjudice économique subi à hauteur de la somme de 280.000€.
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