Accompagnement juridique
Si les pouvoirs publics ont amorcé depuis quelques années une prise en compte du phénomène de traite des êtres humains et des formes diverses d’exploitation par le travail, l’accès à la justice pour les victimes reste néanmoins un parcours complexe qui nécessite généralement l’accompagnement d’associations spécialisées en la matière.
Le Comité Contre l’Esclavage Moderne (CCEM), depuis presque 25 ans, s’est ainsi efforcé d’accompagner les victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail dans leurs procédures devant les tribunaux. L’objectif de l’association est d’obtenir la reconnaissance par la justice de l’existence de ce phénomène et ainsi la reconnaissance des droits et l’indemnisation des victimes.
Focus sur le parcours judiciaire
1. Recueillir le récit de vie
La première étape de l’accompagnement consiste à prendre le temps de recueillir le récit de vie des personnes et notamment les éléments concernant leurs conditions d’exploitation. Ce récit sera ensuite utilisé lors de la procédure judiciaire mais également au besoin dans toutes les démarches judiciaires et administratives entreprises.
2.Le dépôt de plainte
Afin d’entamer la procédure judiciaire le CCEM accompagne les victimes qui le souhaitent dans le dépôt de leur plainte. Il a lieu devant un service enquêteur ou en passant par un signalement au Procureur de la République compétent.
Il faut souligner ici que l’enregistrement de la plainte au visa de l’infraction de traite des êtres humains est particulièrement difficile. Cette difficulté est notamment liée à la complexité de la définition retenue par le législateur[1] et à un manque de formation sur le phénomène par l’ensemble des intervenants judiciaires (services enquêteurs police/gendarmerie, magistrats du parquet et du siège).
Le CCEM assiste ensuite les personnes dans le suivi de leur plainte. Ce suivi est nécessaire notamment au regard de la longueur des enquêtes et de la difficulté pour les victimes à obtenir des informations concernant les suites qui leurs sont données.
En parallèle, le CCEM travaille avec les agents de contrôle de l’inspection du travail au niveau territorial qui sont compétents depuis une modification de 2016 de l’article L.8112-2 du code du travail[2] pour constater les infractions de traite des êtres humains, de travail forcé, de réduction en servitude et relatives aux conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité des personnes.
Le CCEM relaie également auprès du Défenseur des Droits les éventuelles difficultés rencontrées par les personnes accompagnées dans l’accès à leurs droits.
3.Les procès
Le Comité continue d’accompagner les victimes jusqu’au procès avec l’assistance d’un réseau d’avocats spécialisés.
Néanmoins, avant de parvenir à obtenir une condamnation définitive des auteurs, notamment au visa de l’infraction de traite des êtres humains, le parcours judiciaire peut s’avérer particulièrement long et complexe. Il est commun que le CCEM assiste des victimes dans des procédures pouvant durer plusieurs années.
Les condamnations pour traite des êtres humains se font rares en France, particulièrement quand il s’agit d’aborder le sujet de la traite à des fins d’exploitation par le travail. Les magistrats du siège, comme les procureurs, ont tendance à avoir recours à des infractions connexes (travail dissimulé, rétribution inexistante ou insuffisante du travail) qui ne sauraient refléter les situations vécues par les victimes.
Plusieurs recours à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont été engagés au fur et à mesure des années. Certains ont permis des avancées majeures des droits pour les victimes d’esclavage moderne en France[3].
En parallèle de la procédure pénale, il est fréquent que le Comité accompagne les personnes devant d’autres juridictions, comme par exemple, le Conseil des prud’hommes ou les juridictions administratives.
4. L’indemnisation
Le CCEM accompagne les personnes afin qu’elles puissent bénéficier de manière effective des dommages et intérêts qui leurs ont été allouées. Il est parfois nécessaire de saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) ou le Service d’Aide au Recouvrement des Victimes d’Infractions (SARVI).
5. L’appui au niveau administratif
Quand les personnes accompagnées sont étrangères et en précarité administrative, l’équipe juridique du CCEM, les accompagne dans leurs démarches de régularisation ou dans leur demande d’asile. Ces démarches sont primordiales pour tout accès aux droits et à une vraie protection, selon la législation française.
Cet accompagnement nécessite un appui à la rédaction de la demande d’asile ou à la présentation d’une demande de titre de séjour ainsi que différents accompagnements aux services préfectoraux et à l’OFPRA. Pour faire valoir leur droit, il est parfois nécessaire de saisir les juridictions administratives (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, cour nationale du droit d’asile, etc.).