Un an de prison avec sursis pour l’ex-maîtresse de Guillaume Soro (06/10/2014)

Kadidia Sy était poursuivie pour avoir exploité deux domestiques entre 2007 et 2010. Pour 45 euros mensuels, celles-ci travaillaient jusqu’à seize heures par jour.


Pour avoir exploité ses deux domestiques pendant plusieurs semaines entre 2007 et 2010, Kadidia Sy a été condamnée ce lundi par le tribunal correctionnel de Nanterre à un an de prison avec sursis et 300 euros d’amende. Cette Burkinabée de 34 ans, ex-maîtresse de Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, a été reconnue coupable d’avoir versé une rémunération insuffisante à une personne vulnérable et d’avoir imposé des conditions de travail indignes. Elle devra également verser 15 000 et 12 000 euros de dommages et intérêts aux plaignantes. Le parquet avait requis à son encontre trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende.

Lors de l’audience du 9 septembre, Rosalie et Marie, les deux plaignantes, étaient venues raconter leur histoire. Celle de Rosalie commence au Burkina Faso en 2006. La jeune femme est embauchée par Kadidia Sy, à la recherche d’une nounou pour s’occuper de son petit garçon, né d’une relation avec Guillaume Soro. L’enfant est hémophile, et sa mère décide de venir régulièrement en France pour le soigner. Dans ses bagages, elle emmène Rosalie.

A Paris, la soi-disant «dame de compagnie» est en réalité bonne à tout faire. Dans l’appartement du XVIe arrondissement où le trio est logé, elle dort dans le même lit que l’enfant. Tous les matins, elle est debout à cinq heures pour la préparation du biberon. Elle sort le bébé au parc, l’accompagne à l’hôpital Necker quand il est hospitalisé. La jeune femme s’occupe du ménage, des courses, des lessives. Sa journée de travail s’achève vers 22 heures. Rosalie touche 45 euros par mois, l’équivalent du Smic burkinabé, sans congés ni jours de repos. «Elle donnait les ordres, j’exécutais», avait raconté la plaignante à la barre, se souvenant des «insultes» de sa patronne, ainsi que des menus différenciés. «Je ne mangeais pas les mêmes choses que Mme Sy. J’avais du riz, et parfois elle me proposait les restes de son repas.»

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Communiqué de presse du CCEM le 6 septembre 2014:
Lundi 8 septembre 2014, à 13h30, la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Nanterre se penchera sur une affaire d’esclavage moderne dont les victimes sont deux femmes originaires du Burkina Faso, qui ont été mises en servitude domestique par Mme S, ex-compagne d’un ancien premier
ministre ivoirien.

Cette dernière, qui les a fait venir en France, devra répondre des accusations de traite des êtres humains (art 225-4-1 du code pénal), d’abus de vulnérabilité pour obtenir des services pas ou peu rémunérés (art 225-13), et de soumission des victimes à des conditions de vie et de travail incompatibles avec la dignité humaine (art 225-14). La première, R., née en 1984, qui a fait plusieurs allers-retours entre la France et la Côte d’Ivoire a assumé jusqu’en août 2008 l’ensemble des tâches domestiques et la garde de l’enfant du couple, gravement malade. Son temps de travail était en moyenne de 15 à 18h par jour. Elle recevait environ 45€ par mois et était privée de son passeport. Elle a été prise en charge en septembre 2008 par le CCEM qui a signalé l’affaire au procureur de Nanterre. Sa première plainte déposée en décembre 2009 a été classée sans suite en janvier 2010, une décision contestée par le CCEM. Après une nouvelle enquête, l’affaire sera jugée le 8 septembre 2014.

La seconde, M., née en 1986, arrive à Paris en octobre 2008, elle se retrouve dans le même cadre d’exploitation que la précédente victime avec des conditions de travail humiliantes. Elle quitte le
domicile de Mme S. en mars 2010, est immédiatement prise en charge par le CCEM et dépose plainte en février 2011.

Les victimes sont défendues par Me David Desgranges, membre du Conseil d’administration du Comité contre l’esclavage moderne.