Gabriel Mpozagara et son épouse Candide Mpozagara sont accusés d’avoir exploité un autre Burundais de quinze à dix-huit heures par jour à leur domicile pendant dix ans sans le rémunérer.
L’âge avancé des époux Mpozagara a fini par altérer leur condition physique mais n’a en rien entamé leur éloquence et leur volonté de se défendre mordicus devant la justice. Mercredi 17 février, Gabriel Mpozagara, 79 ans, ex-ministre du Burundi, et Candide Mpozagara, 76 ans, son épouse, comparaissaient devant la 9e chambre de la cour d’appel de Versailles, pour répondre d’une longue liste de griefs : traite d’être humain, exécution d’un travail dissimulé, emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié et aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France. Le 21 octobre 2019, ils avaient été condamnés en première instance, par le tribunal correctionnel de Nanterre, à deux ans de prison avec sursis et 70 000 euros de dommages et intérêts.
Derrière ces qualifications juridiques, il y a le récit, ponctué de détails pénibles, formulé par celui qui accuse les époux Mpozagara. Méthode Sindayigaya est un ancien cultivateur burundais, aujourd’hui âgé de 41 ans, ayant récemment obtenu le statut de réfugié politique en France. Face aux juges, lui s’est présenté timidement, lors de l’audience, pour narrer son histoire. Celle de dix années passées aux côtés des Mpozagara et de leurs enfants, entre 2008 et 2018, dans leur maison de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine).
A la cour, il a décrit son quotidien d’homme à tout faire : entre quinze et dix-huit heures de travail par jour, non rémunérées, pour exécuter les tâches ménagères et s’occuper de l’un des fils lourdement handicapé, sans jours de repos et sans avoir signé de contrat. « Au départ, je devais rester trois mois (…) Après, j’étais coincé là-bas, forcé de travailler », dit-il, expliquant que son passeport lui avait été « confisqué ».
« Déni »
Méthode Sindayigaya raconte aussi le manque de vêtements, fait état d’humiliations. Il évoque par ailleurs sa chambre, au sous-sol, sans chauffage ni climatisation, d’où se dégageaient de fortes odeurs de fioul venant d’une chaudière attenante, avec en guise de lit un matelas posé au sol. C’est la directrice d’un magasin de la ville qui avait donné l’alerte, le 29 juin 2018, après s’être rendue au domicile des Mpozagara et « avoir constaté la présence d’un homme de type africain, de petite taille, très mince et sale ». Les enquêteurs, de leur côté, avaient découvert un « homme amaigri et manifestement apeuré ». « Il parlait mal le français, il était chez des gens qu’ils craignaient, il était sous emprise », a estimé son avocat, Me Martin Pradel.
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