Mauritanie: malgré la loi, les esclavagistes sont rarement condamnés (30/04/2016)

En Mauritanie, un ensemble d’organisations de la société civile réunies sous la bannière du Manifeste pour les droits politiques économiques et sociaux des Haratines, les descendants d’esclaves, a défilé vendredi 29 avril dans la capitale Nouakchott. Leur objectif : sensibiliser sur le sort de cette communauté qui compose 40% de la population et dont les membres ont la peau noire. Les Haratines sont encore largement stigmatisés, voire réduits en esclavage dans des proportions difficiles à déterminer. Depuis 2007, l’esclavage est criminalisé dans le pays et depuis 2015, il est inscrit comme « crime contre l’humanité » dans la Constitution.



Boubacar Messaoud de l’association SOS Esclaves le concède volontiers : l’Etat a ces dernières années fait des efforts considérables pour consacrer dans la loi le caractère inique de la pratique ancestrale de l’esclavage dans toute la région.
Mais un obstacle de taille demeure selon ce militant de la première heure. « Il faudrait que sur le plan de la pratique la justice intervienne correctement parce que nous avons nous dénoncé plusieurs cas d’esclavage et ils ont toujours été libérés par la suite, en requalifiant la chose comme travail non rémunéré parce que ceux qui les jugent sont de la même classe, de la même ethnie, explique-t-il. Pour bannir l’esclavage, il faut que l’Etat mauritanien accepte de se confronter à la réalité et que les juges acceptent de condamner ceux qui pratiquent l’esclavage et que les autorités cessent de déclarer tous les jours que l’esclavage n’existe pas. »
Selon lui, il ne s’agit pas d’un problème de formation des juges, il faut juste qu’ils aient « l’honnêteté et le courage de juger les esclavagistes ».
L’année dernière, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz avait affirmé qu’il existait seulement « des séquelles » de l’esclavage. Un déni qui rend le travail des ONG plus difficile. En 2015, trois activistes de la lutte contre l’esclavage ont été condamnés à deux ans de prison après avoir mené une campagne de sensibilisation.

A lire sur le site de RFI