Le 23 avril 2024, le parlement européen a voté en faveur de la modification de la directive 2011/36/UE relative à la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes. Le CCEM, via la plateforme associative européenne La Strada International, a suivi de près et participé aux campagnes de plaidoyer en faveur de révisions plus justes, ambitieuses et conscientes de l’amplitude de ce fléau sur le territoire européen.
La révision finale votée et adoptée inclut notamment l’intégration de l’exploitation du mariage forcé, de l’adoption illégale et la gestation pour autrui (GPA) dans la liste des différentes finalités d’exploitation. Sur d’autres aspects, la directive est malheureusement révisée en deçà des recommandations des commissions du Parlement qui avaient été saisies, tout en surpassant celle de la Commission.
Renommée directive 2024/1712, cette nouvelle version est rendue effective depuis le 14 juillet. Les Etats membres ont désormais un délai de deux ans pour transposer ces modifications au niveau national !
Le CCEM souhaite attirer une attention particulière sur certains aspects de cette nouvelle directive. Bien que cette dernière soit conçue pour répondre plus efficacement aux enjeux européens liés à la traite des êtres humains et pour lutter contre toutes ses formes, nous déplorons l’affaiblissement de l’article 19, relatif à l’établissement de Rapporteurs Indépendants. En effet, alors que les divergences entre États membres concernant la protection des droits fondamentaux continuent de croître, un simple appel à une forte coordination apparaît nettement insuffisant.
Au niveau national, l’instauration de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) – organe indépendant doté d’une mission de conseil auprès des décideurs publics en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire, et de contrôle des engagements internationaux de la France en ces matières – a démontré à de nombreuses reprises l’importance cruciale d’une telle instance pour la protection et l’accès égal aux droits pour tous et toutes.
Pour plus de détails sur son travail à l’égard de la traite des êtres humains, vous pouvez consulter l’évaluation du 2e plan d’action national contre la traite des êtres humains réalisée par la CNCDH.
Dans le contexte actuel, le refus de généraliser et de rendre obligatoire la nomination d’un Rapporteur Indépendant dans chaque État membre suscite de sérieuses préoccupations.
Outre l’article 19, nous souhaitons également attirer l’attention sur l’article 11. Bien que celui-ci ait subi de légères modifications, principalement concernant l’hébergement adapté et sûr (déjà inclus dans la Directive de 2011), en stipulant que « des refuges et autres hébergements provisoires appropriés » doivent être « fournis en nombre suffisant et facilement accessibles aux victimes présumées et identifiées de la traite des êtres humains », l’article reste insuffisant. En effet, il n’améliore pas notre requête d’assurer un accès inconditionnel au soutien et aux permis de séjour.
La Directive précise certes que l’assistance aux victimes ne doit pas dépendre de leur coopération dans les enquêtes criminelles, mais cette condition persiste dans de nombreux pays européens. Par exemple, en France, un titre de séjour n’est délivré à la victime que si elle porte plainte. Cette exigence est déconnectée de la réalité des victimes, qui craignent les représailles, les lourdeurs administratives, la longueur des procédures, et de ne pas être reconnues comme victimes, ce qui minimise leur parcours et leur vécu.
Nous rappelons qu’une véritable approche fondée sur les droits humains détache l’identification et l’assistance des victimes de leur participation aux procédures pénales, et place leurs intérêts ainsi que la protection de leurs droits au centre des préoccupations. Une telle approche réduira les vulnérabilités et les risques de re-victimisation ou de re-exploitation, tout en renforçant la crédibilité des systèmes de protection de l’État.
Retrouvez la version complète de notre Déclaration commune sur la modification de la directive européenne contre la traite des êtres humains, disponible en français et anglais Joint NGO Statement on recast EU Anti-Trafficking Directive.