Sursis requis contre un couple qui aurait réduit à l’esclavage une jeune Algérienne (24/02/2016)

Nancy. Des Thénardiers modernes. Ni plus, ni moins. Voilà le rôle attribué au couple bon chic, bon genre de Pont-à-Mousson dans le procès qui s’est déroulé ce mardi. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’ont pas la tête de l’emploi.
Lui est chef d’entreprise. Elle, femme au foyer. Ils ont cinq enfants. Français d’origine algérienne, ils sont considérés comme des modèles de réussite sociale dans la petite communauté maghrébine de Pont-à-Mousson.



C’est pourtant bel et bien pour « traite des êtres humains », un délit tout sauf banal, qu’ils se sont retrouvés devant le tribunal de Nancy. « Un dossier hors norme », selon la procureur adjointe Bluntzer, qui est basé sur les accusations d’une jeune Algérienne.

Celle-ci affirme que le couple, et surtout l’épouse, l’a fait venir illégalement d’Algérie pour en faire, durant sept ans, son esclave personnel. Il n’y avait ni chaîne, ni violence mais la jeune femme soutient qu’elle devait trimer sept jours sur sept, du matin au soir. Ménage, repas, garde des enfants, tonte de la pelouse et même lavage des voitures, elle était censée tout faire. Pour 50 € par mois.« Tout est faux », rétorque la maîtresse de maison qui donne une tout autre version du long séjour de la jeune Algérienne chez elle. « Elle ne faisait rien de spécial à la maison. Elle était considérée comme un membre de la famille. Elle partait en vacances avec nous… J’ai tout partagé avec elle. On regardait même des films égyptiens ensemble car elle adorait ça ».

« Où sont les preuves ? »
Son mari l’a quittée depuis la révélation de l’affaire mais, à la barre, il est à ses côtés et la soutient. Il confesse juste qu’il ne s’est jamais trop posé de question sur la situation exacte de la présumée victime. Pour lui, c’était « un membre de la famille » de sa femme, sans plus de précision.
« Elle était libre. Elle pouvait s’en aller quand elle voulait. Si elle était exploitée, pourquoi n’est-elle pas partie », se défend le mari. « Elle s’est retrouvée à Pont-à-Mousson sans papier, sans parler français et sans connaître personne. Elle était totalement vulnérable. Madame a d’ailleurs dit à toutes ses amies qu’elle avait ramené une boniche du bled », rétorque l’avocate de la jeune Algérienne, Me Driencourt, qui réclame 130.000 € d’indemnisation.
Pour la procureur adjointe, la victime, analphabète et intellectuellement limitée, était « dans un état d’emprise psychologique absolu ». Et de requérir 2 ans de prison avec sursis et 6.000 € d’amende contre le couple de Pont-à-Mousson.

« Où sont les preuves ? », réplique le mari. « Il n’y en a aucune », répond son avocat, Me Iochum. Les éléments à charge se résument en effet à quelques témoignages, en particulier de voisins du couple. De la « fantasmagorie » et des « préjugés nauséabonds », s’indigne Me Sgro.

Un psy qui a diagnostiqué un « syndrome de l’otage » ou « syndrome de Stockholm » à la victime, en prend également pour son grade. De quoi faire douter le tribunal ? Jugement le 22 mars.

A lire sur le site de l’Est Républicain