Un ex-ministre de la Justice burundais et son épouse, accusés de « traite d’être humain » pour avoir exploité un compatriote pendant 10 ans chez eux en région parisienne, seront jugés mercredi devant la cour d’appel de Versailles.
Le couple de dignitaires avait été condamné en première instance en octobre 2019 à deux ans de prison avec sursis et 70.000 euros de dommages et intérêts pour « soumission à un travail forcé » et « conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité » par le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Méthode S., cultivateur burundais, avait raconté à l’audience comment il avait été « réduit en esclavage » entre 2008 et 2018 dans la maison du couple, à Ville-d’Avray, à quelques kilomètres au sud-ouest de Paris.
Pendant 19 heures chaque jour, il faisait la lessive, le repassage, la cuisine, le ménage, le jardinage et prenait soin d’un des fils du couple souffrant de handicap, avait-il narré.
Couchant près d’une chaudière au sous-sol, il se lavait « au robinet avec un seau ». L’homme « amaigri et manifestement apeuré » qu’ont découvert les inspecteurs du travail a indiqué vivre loin de sa famille, ses employeurs lui ayant confisqué son passeport.
Une version contestée par l’ex-ministre Gabriel Mpozagara : « Méthode vivait dans les mêmes conditions que nous », avait-il rétorqué, niant avoir pris son passeport.
Mercredi, le couple sera de nouveau jugé, notamment pour « traite d’être humain », une infraction passible de sept ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende.
« Mes clients contestent avec vigueur les accusations », a déclaré l’avocat du couple, Me Tarek Koraitem, à l’AFP.
L’avocat de Méthode S., Me Martin Pradel, espère en revanche que la « peine importante et sérieuse » prononcée en première instance sera confirmée afin que le cultivateur burundais puisse « se reconstruire » et subvenir à ses besoins.
Ce dernier vit actuellement « sans ressources » avec sa famille qui a obtenu l’asile « en raison de menaces très sérieuses » ayant pesé contre elle suite au procès, a indiqué l’avocat. Une procédure prudhommale visant à réclamer les salaires dus est également engagée alors que Methode S. a perçu 5.000 euros sur dix ans selon son conseil.
Les deux époux avaient déjà comparu en 2007 devant le tribunal de Nanterre. Ils avaient été condamnés mais relaxés en appel dans un dossier similaire qui concernait deux jeunes nièces venues du Burundi.
Ces dernières avaient alors plaidé leur cause auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a condamné la France en octobre 2012 pour avoir failli dans sa lutte contre le travail forcé.
En 2013, le Parlement français a introduit dans le code pénal le travail forcé, la réduction en servitude et la réduction en esclavage.