Ayant accepté d’accompagner du Burundi un des enfants handicapé de la famille Mpozagara, Méthode S. s’était retrouvé « coincé » en France pendant dix ans après que le couple lui eut confisqué son passeport.
Deux ans de prison avec sursis ont été requis, mercredi 17 février, en appel à Versailles contre un ancien ministre de la justice burundais et son épouse, soupçonnés d’esclavage moderne pour avoir exploité un de leurs compatriotes pendant plusieurs années à leur domicile, en région parisienne.
Le couple avait été condamné en première instance à deux ans de prison avec sursis et 70 000 euros de dommages et intérêts, notamment pour « traite d’être humain », par le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine).
« Forcé » à « travailler dans la peur »
Méthode S., cultivateur burundais, a narré à la cour d’appel de Versailles comment il avait été « forcé » à « travailler dans la peur » pendant dix ans dans la maison du couple de notables, à Ville-d’Avray, au sud-ouest de Paris.
Ayant accepté d’accompagner du Burundi un des enfants handicapé de la famille Mpozagara, il s’était retrouvé « coincé » en France après que le couple lui eut confisqué son passeport. Ménage, repassage, jardinage, il effectue toutes les corvées… « Si je ne le faisais pas, ils ne me donnaient pas à manger », a-t-il soutenu.
En 2018, les forces de l’ordre et l’inspection du travail pénètrent dans la villa des dignitaires à la suite du signalement d’une commerçante et y découvrent un homme « amaigri et manifestement apeuré » au sous-sol d’une pièce insalubre sans chauffage ni douche, avec un matelas par terre.
Gabriel Mpozagara, ex-ministre et ancien diplomate de l’Unesco, a contesté avec véhémence mercredi ces accusations, affirmant que Méthode S. avait dit au couple avoir perdu son passeport. « Il voulait rester en France et a réussi ! », s’est-il exclamé, l’accusant d’avoir « habilement » inventé une situation de vulnérabilité pour obtenir l’asile.
Le couple « dans le déni »
Une procédure visant à réclamer les salaires dus est engagée en parallèle devant le conseil de prud’hommes, aucun contrat de travail ni aucune trace tangible de rémunération n’ayant été établis. En première instance, l’Urssaf avait obtenu plus de 500 000 euros au titre des cotisations non perçues.
Le parquet a requis la même peine qu’en première instance contre le couple « dans le déni », également poursuivi pour travail dissimulé et aide à l’entrée et au séjour irréguliers. Les époux Mpozagara avaient déjà été condamnés en 2007 en France mais relaxés en appel dans un dossier similaire qui concernait deux jeunes nièces venues du Burundi.
Ces dernières avaient alors plaidé leur cause auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a condamné la France en octobre 2012 pour avoir failli dans sa lutte contre le travail forcé.
En 2013, le Parlement français a introduit dans le code pénal les délits de travail forcé et de réduction en servitude et le crime de réduction en esclavage.
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