Esclavage en Mauritanie: «L’Afrique reste somnolente», dénonce Biram Dah Abeid (29/06/2017)

L’activiste mauritanien Biram Dah Obeid ne tarit pas d’éloges à l’égard de l’ONU qui a enfin saisi «l’ampleur des pratiques esclavagistes» qui persistent dans son pays. L’Europe aussi se réveille, explique-t-il à Géopolis, avant d’appeler l’Afrique à cesser de se voiler la face et d’agir avec fermeté contre les «oppresseurs de Nouakchott».



Le militant anti-esclavagiste mauritanien, Biram Dah Obeid, a poussé un soupir de soulagement le 23 juin 2017. Pour la première fois, une plainte internationale pour dénoncer l’esclavage et la torture en Mauritanie a été adressée par des avocats au rapporteur des Nations Unies sur l’esclavage et à la commission juridique de l’Union africaine.

Pour l’activiste mauritanien qui dénonce la persistance des pratiques esclavagistes dans son pays, c’est un moment historique. Il espère obtenir enfin une reconnaissance internationale du combat qu’il mène depuis des années avec son mouvement, l’IRA. Et des sanctions contre ceux qui font perpétuer cette pratique dans son pays.

«L’Europe et les responsables européens commencent à se réveiller et à prendre conscience que leur système de valeurs est incompatible avec le soutien à une dictature qui continue à faire perdurer des pratiques esclavagistes d’un autre âge», se félicite Biram Dah Obeid.

«L’Afrique reste somnolente face à la tragédie»

L’activiste mauritanien rend aussi hommage à l’ONU qui dénonce régulièrement le racisme et les violations des droits humains en Mauritanie. En revanche, il ne comprend pas pourquoi l’Afrique reste «somnolente» face à la tragédie qui frappe une grande partie de la population de son pays.

«L’Union africaine et ses différentes institutions restent malheureusement quasi silencieuses et acquises à ce système d’apartheid implanté en Afrique de l’Ouest, à savoir le système mauritanien qui érige l’oppression de personnes d’ascendance africaine, l’esclavage et le racisme anti-noir en système de gouvernement.»

Biram Dah Obeid explique à Géopolis comment l’esclavage se perpétue en Mauritanie malgré son abolition officielle en 1981. Il a même été érigé en crime contre l’humanité. Des lois qui n’empêchent pas que de très nombreux mauritaniens subissent toujours le bon vouloir de leurs maîtres.

Ils seraient des milliers, affirme-t-il, à être déportés de force en Arabie Saoudite et dans les pays du golfe pour servir d’esclaves.

«L’Afrique doit savoir qu’en Mauritanie, il y a plus de 80% de Noirs qui ne sont pas arabes et qui sont de culture africaine. Qui sont des autochtones à qui la faction d’extrême droite impose l’assimilation à la culture arabe, à la langue arabe. C’est une oppression culturelle et raciale. Il faut que les Africains prennent la position du droit contre ce régime qui veut rendre invisible toute présence africaine dans les sphères de la société. La majorité des africains est confinée dans des positions d’invisibilité par le pouvoir.

«Chosifiés, à cause de la couleur de leur peau»

Les Africains doivent rompre avec tous les oppresseurs, qu’ils soient africains, arabes ou berbères, suggère le président de l’IRA qui rappelle que le racisme et l’esclavagisme ne sont pas l’apanage des seuls Blancs.

«Les Africains doivent cesser de se voiler la face. Il y a des dizaines de millions de Noirs issus de la traite orientale, la traite des Africains vers le monde arabo-musulman. Ils sont toujours confinés dans l’invisibilité et chosifiés à cause de la couleur de leur peau, à cause de leur ascendance africaine. Les Noirs sont opprimés en Tunisie, ils subissent le racisme en Algérie, au Maroc. Les Africains doivent prendre ce problème à bras le corps», explique-t-il à Géopolis.

Biram Dah Obeid  souhaite que la question de l’esclavage en Mauritanie soit inscrite à l’ordre du jour de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et qu’elle figure parmi les questions qui seront examinées lors de la prochaine assemblée générale de l’ONU à New York.

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