Dans les stades, la mort fait son gros œuvre (03/06/2015)

Des ONG dénoncent un système esclavagiste qui aurait fait 1 200 victimes.


«Travail forcé, réduction en servitude.» C’est l’intitulé pénal de la plainte déposée en avril par l’association Sherpa, en tandem avec la CGT, visant le constructeur Vinci, en charge de nombreux chantiers dans l’émirat en vue du Mondial 2022. Elle aurait aussi pu viser d’autres entreprises, comme Bouygues (qui œuvre à la construction de neuf tours de bureaux, 700 000 m2), mais Vinci a été pris comme simple exemple.

«L’esclavage moderne ne consiste pas à attacher des travailleurs à des chaînes et à les fouetter, souligne l’ONG. Il est plus subtil, visant une population vulnérable sous dépendance économique des employeurs.» En cause, non seulement le rythme de travail (60 heures hebdomadaires sans compter les heures sup), les salaires misérables (175 euros par mois, avec une pointe à 500 pour les ouvriers plus qualifiés), mais aussi le droit du travail très spécifique au Qatar. Vinci proclame que le sort de ses employés locaux se serait grandement amélioré cette année, sans toutefois se porter garant de la sous-traitance.

Suffocation. Il est difficile de comptabiliser le nombre de travailleurs étrangers sur le sol qatari. L’émirat entretient le plus grand flou sur son contingent. Au gré des estimations, un chiffre crédible se dégage : 1,2 million, réparti entre Pakistanais, Bangladais, Indiens et Népalais. Difficile aussi d’obtenir un comptage précis du nombre de morts sur les chantiers – essentiellement par suffocation, pour cause de chaleur. Dans son édition du 27 mai, le Washington Post, citant un rapport de la Confédération syndicale internationale, indique que 1 200 travailleurs étrangers seraient déjà morts depuis que l’émirat a été désigné en décembre 2010 pour organiser le Mondial – un par jour en moyenne. En extrapolant, la CSI estime que, en raison de l’afflux de nouveaux travailleurs assignés à la construction des infrastructures, 4 000 étrangers seront décédés le jour ou les footballeurs pénétreront sur la pelouse, en 2022. Le gouvernement qatari n’a pas goûté ce petit exercice d’anticipation : «Après pas loin de 5 millions d’heures de travail sur les sites […], pas un seul ouvrier n’a perdu la vie», s’est-il contenté de répondre dans un communiqué.

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