Esclavage moderne : des hommes et des femmes victimes d’une criminalité invisible. (05/01/2021)

Mal connues et difficiles à identifier, les affaires de traite d’êtres humains aboutissent rarement en justice. Les victimes, majoritairement des étrangers en situation irrégulière, n’ont souvent aucun recours pour dénoncer leur employeur malveillant.

Le 11 décembre 2020, Méthode Sindayigaya, 40 ans, a mis son plus beau costume et quitté son logement social de Blois pour rejoindre Paris. Il doit y retrouver ses avocats Charlotte Mancini et Martin Pradel afin de préparer l’audience prud’homale qui se tient quatre jours plus tard. Depuis sa « libération », en 2018, Méthode se bat pour obtenir réparation auprès de Gabriel et Candide Mpozagara, un couple de diplomates burundais, respectivement petite-fille du dernier roi du Burundi et ancien ministre de la justice puis de l’économie, installés à Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine), et soupçonnés de l’avoir réduit en esclavage pendant dix longues années.

Mais une fois encore, il lui faudra patienter. A la demande des deux mis en cause, l’audience a été renvoyée illustrant une nouvelle fois le long et difficile parcours des victimes de la traite d’êtres humains.

Sa détermination intacte, il raconte au Monde, ces dix ans passés à dormir dans une cave sans chauffage, envahie par l’odeur du fioul de la chaudière attenante. De 6 heures à 1 heure du matin, sept jours sur sept, il fait le ménage et la cuisine, s’occupe des enfants – dont l’un est lourdement handicapé –, prend soin du jardin. Il ne quitte jamais la propriété sauf pour sortir les poubelles. Un quotidien en huis clos ponctué de brimades et d’humiliations. « Si tu ne travailles pas, je vais te dénoncer à la police, ils vont te mettre en prison et te tuer », ne cesse de lui répéter Mme Mpozagara. « La police ne peut pas pénétrer chez nous », lui serine-t-elle, brandissant son statut de diplomate.

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