de l'asie du sud-est à l'europe (2020-2023)
En partenariat avec la Global Alliance Against Traffic in Women, le CCEM participe à une étude sociologique sur les victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail originaire des pays d’Asie du Sud-Est.
From Southeast Asia to Europe: Strengthening migrant and trafficked women’s rights to inclusive re/integration.
De l’Asie du Sud Est à l’Europe : Renforcer les droits d’inclusions des femmes migrantes et victimes de traite des êtres humains.
Parmi les personnes accompagnées par le CCEM, en 2020, 71% étaient des femmes et près de 14% étaient originaires du continent asiatique dont 10% plus particulièrement de l’Asie du Sud-Est. En 2022, la part des personnes originaires de cette région d’Asie est passée à 13%, et ne concernait qu’un seul pays : les Philippines. Cette année là, il s’agissait du 3ème pays d’origine des 281victimes suivies, mais du 1er pays d’origine parmi les 56 victimes nouvellement identifiées et accompagnées au cours de l’année.
Ces femmes, principalement philippines donc, partagent une trajectoire particulière et généralement similaire, en termes de routes migratoires et de conditions d’exploitation. Le projet pose ainsi la question de leurs parcours spécifiques, de leurs besoins et de leur relation avec les pays d’accueil. Mis en œuvre sur une durée de presque 3 ans avec notre partenaire Global Alliance Against Traffic in Women (GAATW), le projet s’articule autour d’une première phase de recherche menée par le CCEM auprès des personnes accompagnées afin de déterminer les freins à l’inclusion des femmes victimes de traite originaire d’Asie du Sud-Est. Sur la base des résultats obtenus, une phase d’actions pour le changement et l’empowerment des personnes accompagnées débutera, sur la base des problématiques observée lors de la recherche.
Le fil conducteur du projet repose sur le principe de la participation des personnes accompagnées. Pour le CCEM, il est ainsi l’occasion d’approfondir sa réflexion sur ce principe essentiel pour la protection des personnes victimes de la traite des êtres humains.
L’un des deux ateliers de présentation du projet auprès des femmes philippines accompagnées (mars 2021).
“I feel included because I can get a job, I can live here, I can have the priviledge to stay and work”
[Je me sens prise en compte car je peux travailler, je peux vivre ici, car j’ai le privilège de rester et travailler.]“I will be happy if I have papers. I cannot work, it’s very difficult. It’s very difficult when you don’t have papers, you cannot move on…”
[Je serai heureuse si j’obtiens un permis de séjour. Je ne peux pas travailler, c’est très compliqué. C’est très compliqué quand tu n’as pas de papier, tu ne peux pas avancer…]
une exposition au musée national de l'histoire de l'immigration
Autre action de plaidoyer emblématique du projet, la participation de 4 femmes accompagnées à une exposition sur les Immigrations Est et Sud-Est asiatiques en France depuis 1860 au Musée national de l’histoire de l’immigration (10 octobre 2023 au 18 février 2024, Paris) !
À l’occasion de l’assemblée générale du projet à Bangkok en mai 2022, le CCEM a eu l’occasion de découvrir l’exposition “My home is not my home“, imaginée par l’association partenaire The Voice of Domestic Workers (Royaume-Uni). Peu de temps après, les employées du CCEM découvrent par hasard un appel à participation lancé par le commissariat de l’exposition, appelant tout un chacun à prêter au Musée un objet personnel en lien avec son histoire de migration entre l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Les objets constituent ainsi une vitrine mettant en avant la réalité et la diversité des parcours individuels et personnels.
Avec pédagogie, l’appel a été transmis aux femmes philippines accompagnées par le CCEM, qui s’est également entretenu directement avec le commissariat de l’exposition. Quatorze femmes ont proposé un objet, souvent en lien direct avec leur exploitation. Parmi eux, 4 ont été sélectionnés pour intégrer l’exposition.
Pour toutes les volontaires, et en particulier les 4 participantes, prendre part à une exposition nationale est une occasion inédite, qui permet à leur récit d’accéder à l’espace public, médiatique, culturel et intellectuel.
Ces dernières ont pu exprimer toute leur créativité et leur individualité dans le choix de leur objet. Au delà de leurs parcours individuels, c’est l’histoire également l’expérience de toutes les femmes travailleuses domestiques qu’elles racontent à travers un uniforme, une paire de chaussures, ou une carte d’embarquement.
Une collaboration avec le journal Libération
Dans le cadre de ce projet mené depuis 2020 avec les femmes philippines, pendant près d’un an, le CCEM a collaboré avec Gurvan Kristanadjaja, journaliste à Libération, en vue de la publication d’une enquête menée sur deux continents. Le journaliste a suivi Lin*, accompagnée par le CCEM, depuis sa fuite du domicile où elle était exploitée pour quelques centaines d’euros par mois. Pour toutes ces femmes, ce sacrifice doit permettre à leurs proches restés aux Philippines de mener une meilleure existence.
Le destin de Lin* est emblématique de cet esclavage moderne qui ne dit pas son nom tel qu’il est vécu par les femmes philippines travailleuses domestiques en France et notamment dans les beaux quartiers de Paris. Il a été documenté dans une série de 4 articles, publiés à la une de Libération le 23 mai 2023.
Grâce à la durée de l’enquête et à la véritable relation de confiance créée par le journaliste, Lin et 3 autres femmes accompagnées par le CCEM, ont été pleinement actrices de ce travail journalistique, en grande autonomie vis-à-vis de l’association. Ensemble ou individuellement, elles ont pu choisir comment se présenter ainsi que leurs vies en France. Au fil des mois, elles ont invité le journaliste à les suivre dans leurs rendez-vous à l’hôpital, dans leurs sorties au karaoké, ou encore sur leurs lieux de travail. Ces portraits intimistes rendent compte des trajectoires à la fois si singulières et courantes des femmes philippines exploitées dans le travail domestique.
Le dossier de Libération a été illustré par la photographe Aline Deschamps, qui a, aux cotés du journaliste, suivi Lin et ses compatriotes dans leur quête d’indépendance et de liberté.